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L’enfer, Chant XVIII, Huitième cercle, Première bolge - Ruffians et séducteurs (...) - Jonathan Abbou Photography

2014 à ... > L’enfer, Chant XVIII, Huitième cercle, Première bolge - Ruffians et séducteurs - Deuxième bolge - Adulateurs / flatteurs -

Il est en enfer un lieu appelé Malebolge,
tout de pierre et couleur de fer,
comme le cercle de roches qui l’entoure.
Juste au milieu de cet espace maudit
s’ouvre un puits, très large et très profond,
dont en son lieu je dirai l’ordonnance.
L’enceinte qui reste est donc ronde,
entre le puits et le pied du haut escarpement ;
et le fond en est divisé en dix vallons.
Telle la forme que dessinent plusieurs fossés
là où ils entourent les châteaux forts
pour protéger leurs murs,
tels l’aspect de ces vallons ;
et comme dans ces forteresses il y a des ponts
qui vont de leurs seuils jusqu’à la rive extérieure.
Ainsi du pied de la falaise
partaient des rochers en saillie, coupant les digues et les fossés
jusqu’au puits qui les arrête et les reçoit.
C’est en ce lieu que nous nous trouvâmes
à notre descente de l’échine de Géryon ;
le poète prit à gauche et je le suivis.
A main droite, je vis un nouvel objet de pitié,
de nouveaux tourments et nouveaux bourreaux,
dont la première bolge était remplie.
Dans le fond étaient les pécheurs nus :
du milieu jusqu’à nous ils nous venaient en face ;
au-delà ils allaient dans notre sens, mais plus vite ;
ainsi les Romains, l’année du jubilé,
ont, à cause de la foule nombreuse,
établi cet ordre pour le passage du pont,
que d’un côté tous regardent le château
et vont à Saint-Pierre tandis que de l’autre
ils vont vers le mont.
De ça, de là, sur les pierres noirâtres,je vis des démons cornus armés de grands fouets
qui les frappaient cruellement par derrière.
Ah ! comme ils les faisaient lever les talons
aux premiers coups !
aucun n’attendait jamais ni les seconds ni les troisièmes.
Tout en marchant, mes yeux rencontrèrent l’un d’eux,
et je dis aussitôt : « Celui-là,
ce n’est pas la première fois que je le vois. »
Aussi je m’arrêtai pour le dévisager ;
et mon doux guide s’arrêta avec moi,
et me permit de revenir un peu en arrière.
Ce fustigé crut pouvoir se dissimuler en baissant la tête ;
mais cela ne lui réussit guère, car je lui dit :
« Toi qui jettes les yeux à terre,
si tes traits ne sont pas trompeurs,
tu es Venedico Caccianemico ;
mais qu’est-ce qui te mène à de si cuisantes sauces ? »
Il me répondit : « Je le dis de mauvais gré ;
mais ton langage m’y oblige,
qui me fait souvenir du monde d’autrefois.
Je fus celui qui entraînai Ghisolabella
à céder au désir du marquis,
quelle que soit la manière dont on raconte cette honteuse histoire.
D’ailleurs, je ne suis pas le seul Bolonais à pleurer ici ;
au contraire, ce lieu en est si rempli
qu’il n’y a pas tant de langues à avoir maintenant coutume
de dire sipa entre la Savena et le Reno ;
et si tu veux en avoir une preuve ou un témoignage,
souviens-toi de l’avarice de notre coeur. »
Comme il parlait ainsi,
un démon le frappa de son fouet et lui dit :
« Allons, marche, ruffian ! il n’y a pas ici de femmes à vendre. »
Je rejoignis mon guide ;
et en quelques pas nous arrivâmes là où un pont de rochers ortait de la rive.
Nous y montâmes sans peine,
et tournant à droite, sur son escarpement,
nous quittâmes ces cercles éternels.
Quand nous fûmes arrivés au point où il surplombe le vide
pour donner passage aux fustigés, mon guide me dit :
« Arrête-toi et fais en sorte que te frappe
l’aspect de ces autres mal nés,
dont tu n’as pas encore vu la figure,
parce qu’ils ont marché dans le même sens que nous. »
De ce vieux pont nous regardions la file
qui venait vers nous de l’autre côté
et que le fouet pourchasse pareillement.
Et le bon maître me dit sans que je l’interroge :
« Regarde ce grand qui vient vers nous
et qui, malgré sa douleur, ne semble pas verser de larmes.
Quel aspect royal il garde encore !
c’est Jason qui, par son courage et par sa ruse,
a enlevé la toison d’or aux Colchidiens.
Il passa par l’île de Lemnos,
après que les femmes hardies et sans pitié
y avaient mis à mort tous leurs mâles.
Là, par démonstrations et belles paroles,
il trompa Hypsipyle,
la jeune fille qui avait d’abord trompé toutes les autres.
Il l’y abandonna enceinte et seulette ;
c’est cette faute qui le condamne à un pareil supplice,
et Médée aussi en est vengée.
Avec lui s’en vont tous ceux qui trompent de la sorte ;
et qu’il te suffise de savoir cela de la première vallée
et de ceux qu’elle déchire dans son enceinte. »
Déjà nous étions au point
où l’étroit sentier du pont se croise avec la seconde digue
et s’appuie sur celle-ci pour former une nouvelle arche.
De là nous entendîmes les gens qui se lamentent
dans la seconde bolge, et soufflent du museau
et se frappent eux-même des paumes de leurs mains.
Les parois étaient couvertes d’une croûte moisie,
provenant des exhalaisons d’en bas
qui s’y empâtent et qui blessent les yeux autant que le nez.
Le fond est si obscur qu’on ne peut y voir de nulle part,
à moins de monter sur la courbe de l’arche,
là où cet écueil est le plus en surplomb.
Nous y parvînmes ; et de là je vis en bas dans la fosse
des gens plongés dans des excréments
qui paraissaient tirés des latrines humaines.
Et pendant que des yeux je scrutais le fond,
j’en vis un dont la tête était si souillée de merde
qu’on ne pouvait savoir s’il était clerc ou laïque.
il me semonça : « Pourquoi es-tu si avide de me regarder,
moi plus que le reste des ces gens dégoutants ? »
Je lui répondis : « Parce que, si je me souviens bien,
je t’ai déjà vu quand tes cheveux étaient secs ;
tu es Alessio Interminelli de Lucques ;
c’est pourquoi je te lorgne plus que les tous les autres. »
Il me dit alors en se frappant la coloquinte :
« Dans ce bas-fond m’ont plongé les flatteries
dont jamais je n’eus la langue rassasiée. »
Après quoi, mon guide me dit :
« tâche de proter tes regards un peu plus avant,
pour que tes yeux atteingnent bien la face
de cette servante sale et ébouriffée,
qui là se griffe de ses ongles merdeux,
et tantôt s’accroupit, et tantôt se dresse debout.
c’est Thaïs, cette putain qui alors que son amant lui demandait :
« Suis-je bien en cour auprès de toi ? »
répondit : « merveilleusement même ! »
Et de tout cela, que nos yeux en aient assez. »

Et aussi...