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Chant XI - 1 - Jonathan Abbou Photography

2014 à ... > Chant XI - 1

À l’extrémité d’une haute falaise
que formaient en cercle de grandes pierre brisées,
nous arrivâmes au dessus d’une foule plus cruellement châtiée ;
et là, en raison de l’horrible excès de puanteur
qu’exhale le profond abîme,
nous nous abritâmes derrière le couvercle
d’un grand tombeau, où je vis une inscription qui disait :
JE GARDE LE PAPE ANASTASE,
QUE PHOTIN FIT SORTIR DE LA VOIE DROITE
« Il faut retarder notre descente,
pour que nos sens s’habituent d’abord un peu à l’infecte odeur ;
après, nous n’y prendrons plus garde. »
Ainsi parla le maître, et je lui dis : « Trouve quelque compensation
pour que nous ne perdions pas notre temps. »
Il répondit : « Tu vois que j’y pense. »
Puis il commença à me dire : « Mon fils, à l’intérieur de ces rochers,
il y a trois petits cercles, de plus en plus étroits,
comme ceux que tu viens de quitter.
Tous sont pleins d’esprits maudits ;
mais, pour qu’il te suffise ensuite de les voir,
apprends comment et pourquoi ils sont ainsi étroitement entassés.
Toutes méchanceté qui attire la haine du ciel
a pour fin l’injustice ; et toute fin pareille
fait tort à autrui soit par la force, soit par la fraude ;
mais parce que la fraude est un mal propre à l’homme,
elle déplaît davantage à Dieu ;
c’est pourquoi les fraudeurs sont au-dessous et plus de douleur les assaille.
Le premier cercle est tout rempli de violents ;
mais comme la force s’exerce contre trois personnes,
il est divisé et construit en trois enceintes.
On peut faire violence à Dieu, à soi-même, au prochain,
je dis sur eux et sur leurs biens,
comme tu le comprendras par un raisonnement clair.
Par la force, on donne au prochain la mort et de cruelles blessures ;
on ruine, on incendie,
on extorque son bien ;
aussi les homicides et ceux qui firent des blessures par méchanceté,
le pillards, les brigands, sont tous tourmentés
dans la première enceinte, par troupes séparées.
L’homme peut porter sur lui-même
et sur ses biens une main violente ;
c’est pourquoi il convient que dans la seconde enceinte se repente en vain
quiconque se prive de la vie, joue et dissipe son patrimoine,
et pleure là où il aurait dû être joyeux.
On peut faire violence à la Divinité
en la niant dans son cœur et la blasphémant,
et en méprisant sa bonté et la nature ;
c’est pourquoi la plus petite enceinte
scelle de son empreinte Sodome et Cahors,
et qui a le mépris de Dieu dans le cœur et sur les lèvres.
La fraude, dont toute conscience sent les atteintes,
l’homme peut l’employer envers celui qui lui donne sa confiance
et envers celui qui ne l’accorde pas.
Ce dernier mode paraît rompre seulement le lien d’amour
que fait naître la nature ;
c’est pourquoi dans le second cercle font leur nid
hypocrisie, adulation, sorcellerie, fausseté,
vol, simonie, ruffians, concussion,
et autres ordures semblables.
Par l’autre mode de fraude,
on oublie le lien d’amour que fait la nature,
et aussi celui qui s’y joint et dont se forme la confiance particulière ;
c’est pourquoi dans le plus petit cercle,
où est le centre de l’univers sur quoi est fondée Dité,
quiconque a trahi est tourmenté éternellement. »
Je dis : « Maître, ton raisonnement est très clair,
et marque très bien les divisions de ce gouffre
et de la foule qu’il renferme.
Mais dis-moi : ceux du marais fangeux,
ceux que mène le vent, ceux que frappe la pluie
et ceux qui se heurtent avec de si âpres paroles,
pourquoi ne sont-ils pas punis dans la cité ardente
si Dieu les a en haine ?
et s’il ne les hait point, pourquoi sont-ils en cet état ? »
Il me répondit : « Pourquoi ton esprit
s’égare-t-il contre son habitude ?
ou ta pensée est-elle occupée ailleurs ?
As-tu donc oublié ces paroles par lesquelles
ton Éthique traite des trois dispositions que le ciel réprouve,
l’incontinence, la malice et la folle bestialité ?
et comment l’incontinence
offense moins Dieu et encourt moins de blâme ?
Si tu médites bien cet enseignement,
et si tu te rappelles quels sont ceux
qui expient là-haut hors de cette enceinte,
tu verras bien pourquoi ils sont séparés de ces félons
et pourquoi la justice divine
les martèle avec moins de courroux. »
« Ô soleil qui guéris toute vue troublée,
tu me satisfais tant quand tu résous mes difficultés
qu’il ne m’est pas moins agréable de douter que de savoir.
Reviens encore un peu en arrière », dis-je,
« sur ce point où tu as affirmé
que l’usure offense la divine bonté, et dénoue-moi ce nœud. »
« La philosophie », me dit-il,
« et non pas en une seule de ses parties,
enseigne à qui la comprend bien comment la nature procède
de l’intelligence divine et de son art ;
et si tu étudies attentivement ta physique,
tu trouveras, sans lire beaucoup de pages,
que notre art suit, autant qu’il le peut, la nature,
comme le disciple suit son maître,
en sorte que votre art est comme le petit-fils de Dieu.
À ces deux sources, si tu te rappelles le début de la Genèse,
les hommes doivent puiser
ce qu’il leur faut pour vivre et accroître leurs biens ;
et parce que l’usurier prend un autre chemin,
il méprise la nature en soi et dans l’art qui la suit,
puisqu’il met ailleurs son espoir.
Mais suis-moi maintenant, car il me plaît de poursuivre notre route ;
voici que les poissons montent en nageant sur l’horizon
et que le Chariot tout entier
gît sur le Caurus
et c’est plus loin qu’on descend la falaise. »

Et aussi...