Le Chien, le Lapin, et le Chasseur
César, chien d’arrêt renommé,
Mais trop enflé de son mérite,
Tenait arrêté dans son gîte
Un malheureux lapin de peur inanimé.
Rends-toi, lui cria-t-il d’une voix de tonnerre,
Qui fit au loin trembler les peuplades des bois.
Je suis César, connu par ses exploits,
Et dont le nom remplit toute la terre.
A ce grand nom, Jeannot lapin
Recommandant à Dieu son âme pénitente
Demande d’une voix tremblante :
Très sérénissime mâtin,
Si je me rends, quel sera mon destin ?
— Tu mourras.—Je mourrai ! dit la bête innocente,
Et si je fuis ?—Ton trépas est certain.
— Quoi ! reprit l’animal qui se nourrit de thym,
Des deux côtés je dois perdre la vie ?
Que votre illustre seigneurie
Veuille me pardonner, puisqu’il faut mourir,
Si j’ose tenter de m’enfuir.
— Il dit et fuit, en héros de garenne.
Caton l’aurait blâmé : Je dis qu’il n’eut pas tort,
Car le chasseur le voit à peine
Qu’il l’ajuste, le tire,… et le chien tombe mort !
Que dirait de ceci notre bon La Fontaine ?
Aide-toi, le ciel t’aidera.
J’approuve fort cette morale-là.