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1996-2005 - Jonathan Abbou Photography

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Le photographe mesure la lumière sur son modèle

1996-2005

1996-2005.

« Enfant des Dieux de l’Amour et du Hasard, voyageuse en transit, Stella a couplé dans le lac ses dernières espérances. Elle s’endort, alanguie et mélancolique, soleil mort d’avoir porté trop de branches. Elle se calcine.Même les glaces fondent sous son image. Privée de reflet, elle traverse le miroir, s’apprête à toutes les révolutions. Sa légende se consume sur les braises de son ambivalence. Allégée, elle s’envole par-delà les montagnes. Stella se relève avec l’aurore, illumine le jour de ses raies ors et pourpres. Les paons s’affolent. Le Phénix se fait reine et terrasse le dragon ».

A mon arrivée à Paris, je me rendis au Centre Pompidou, voir l’exposition qui s’intitulait « Masculin-Féminin, le sexe dans l’art » (oct. 1995-Janv. 1996). On pouvait y voir les oeuvres de certains de mes artistes préférés comme Pablo Picasso (1881-1973), Pierre Molinier (1900-1976), Man Ray (1890-1976), Robert Mapplethorpe (1946-1989). C’était souvent les plus provocantes en matière d’érotisme. Toutes les disciplines étant représentées autour du Nu. Paris vivait une sorte de « révolution sexuelle ». C’était le grand chaud avant le grand froid qui allait suivre... C’est la période où je tentais de réaliser une synthèse intérieur/extérieur. Le challenge étant de photographier mes modèles dans l’intimité de mon atelier en donnant l’impression qu’ils étaient pris à l’extérieur, dans un contexte urbain. 
Les vues urbaines étaient réalisées au préalable, au fil de mes balades dans les rues de Paris, puis agrandies sur des feuilles argentiques ramenées de mon ancien lieu de travail à Toulouse (laboratoire des Archives du Département). En fonction des thématiques, je plaçais ces images dans mes décors. C’est un travail que j’avais nommé « Fiction urbaine ». C’est la période où je fus le plus influencé par le mouvement des surréalistes français (1924-1939). C’est bien-sûr, après coup, au fil de ma production du moment, que je me rendis compte des similitudes avec ce courant artistique.

Lorsque je vivais en province, je n’avais jamais ressenti un tel poid de l’Histoire de France, que lorsque je parcourais les rues de Paris. Dans mes errances, ce sentiment surréaliste me venait instantanément, à chaque fois que je prenais mon appareil photo. Il se manifestait par une sorte de décalage entre le réel vécu, dans son fil, et le réel vu au travers de mon viseur ; réel qui m’apparaissait comme dans un rêve. J’opérais ainsi une synthèse entres des impressions rêvées et des sentiments vécus.

C’est une période, aussi, qui correspond à une recherche de la naïveté dans les formes et les couleurs, un peu à la façon de l’œuvre de Marc Chagall. C’est certainement le peintre qui m’a le plus ému par son esprit enfantin. Je découvris ses toiles « en vrai », pour la première fois à Paris. Je ne les connaissais auparavant que dans les livres que l’on m’offrait. Certainement du fait de nos origines juives communes, je sentais parfaitement la poésie qu’il exprimait dans ses tableaux, proches des dessins d’enfants : les fêtes familiales autour de la mystique, les animaux rituels fantasmés
C’était une sorte d’expression tout en fragilité, faite de nostalgie, d’instants de bonheur passés auprès de ses proches. C’est surtout un refus du style académique, pour un libre court de la pensée.

Cette « période urbaine » correspond aussi à mon vécu dans les squats d’artistes et de mes rencontres hasardeuses avec des personnages qui sortaient de la norme, qui comme moi, par inclination au fétichisme, attribués une certaine magie aux objets, notamment à cette deuxième peau au travers des vêtements. On se rencontrait dans de grandes fêtes dites « fétichistes », aux sonorités éléctro-indus. Les jeunes excellaient dans leurs accoutrements faits de cuir et de vinyle. Les corps étaient beaux et les filles étaient belles... C’est de ces rencontres, toujours dans un esprit de subversion que je réalisais toute une série de photographies, qui au fil des mois pouvaient constituer une sorte de « bestiaire humain ». C’était un travail proche de l’étiquetage sociologique. romancé.