2005-2006.
« Vos chairs ont dynamité mon âme. La mer a rejeté vos fragments sur mon île désertée. Je vous ai enfermées dans mes humeurs cathodiques. Votre bouche, votre cul s’agitent au bout de ma télécommande. Je zappe sur vos seins, bloque sur votre sexe. Je vous tiens en ligne de mire, vous enchaîne à mes écrans.
Les images défilent, la lumière m’électrise. J’implose. Le noir se fait dans mon esprit. »
Cette année à Marseille, marque sans nul doute, un retour à la photographie réaliste dite « humaniste ». Ce retour à la plaque brute est marqué par des prises de vue spécifiquemenst réalisées en extérieur. Ici, nulle influence de l’atelier, seulement des émotions faites de rencontres de rue, avec les hommes et les lieux. Juste suspendre dans le temps comme il vient.
Du fait d’un isolement social, et de mon incapacité à m’intégrer à la population marseillaise, je fis un voyage dans mon monde intérieur qui fut extrêmement douloureux. Isolé du « Jeu Parisien » qui nous plonge dans l’illusion du bonheur, je passais des journées entières sur les rochers des digues à regarder les vagues venir se fendre dessus à grand fracas.
Psychologiquement, ce fut une année de grande remise en question de mon travail. Mes nouveaux amis n’étaient que des clandestins venus en France, cachés dans des containers de fortune. Trois siècles auparavant, Marseille avait été marquée par la peste ravageuse qui tua des millier de gens dans toute la Provence. Ce fut la faute de quelques négociants véreux qui en falsifiant les permis de navigation, purent faire rentrer dans la ville des ballots de soie venus de Syrie, par le Grand Saint-Antoine, navire infesté de rats porteurs de la puce assassine. La bacille meurtrière entrait dans le vieux port et ce fut le carnage...
De nos jours, la peste a disparu mais les escrocs et les rats demeurent encore dans la ville... jusqu’au sommet politique. Il y a toujours quelque chose de malsain dans l’air, qui plane sur la ville. Sur le quai du vieux port, on peut lire sur une plaque de fonte scellée dans le sol : « ici est née la civilisation ». Je me plaisais à dire par provocation aux esprits chauvins « ici est née la civilisation, mais elle n’a fait que passer. Elle n’est pas restée longtemps dans votre ville... »