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Chant XII - 1 - Jonathan Abbou Photography

2014 à ... > Chant XII - 1

Le lieu où nous arrivâmes pour descendre la falaise était alpestre,
et tel, à cause de la présence de celui qui s’y tenait,
que tous les regards s’en seraient détournés.
Tel est cet éboulement qui, en aval de Trente,
a heurté le flanc de l’Adige,
soit par tremblement de terre, soit par manque de soutien,
en sorte que, du sommet de la montagne d’où elle s’est détachée
jusqu’à la plaine, la roche s’est ainsi écroulée
qu’elle formerait un chemin pour qui se trouverait en haut,
telle était la descente dans cet abîme ;
et sur la pointe de la roche effondrée, l’infamie de la Crète était étendue
qui fut conçue dans la fausse vache ;
quand elle nous vit, elle se mordit elle-même,
comme celui que la colère domine intérieurement.
Mon sage guide lui cria :
« Peut-être crois-tu que vient ici le duc d’Athènes,
qui là-haut, sur la terre, te donna la mort ?
Va-t’en, monstre : car celui-ci
ne vient pas sur les leçons de ta sœur,
mais il passe pour voir vos châtiments. »
Tel ce taureau qui rompt ses liens
au moment même où il a reçu le coup mortel,
qui ne sait où aller, mais bondit çà et là,
tel je vis sauter le Minotaure ; et Virgile, avisé, me cria :
« Cours au passage, pendant qu’il est en furie,
il est bon que tu descendes. »
Ainsi nous fîmes route par l’éboulis de ces rochers,
qui roulaient souvent sous mes pieds,
en raison d’une charge insolite.
J’allais en réfléchissant ; et lui me dit :
« Tu penses peut-être à cet éboulement,
qui est gardé par cette colère bestiale que je viens de réprimer ?
Eh bien, je veux que tu saches
que l’autre fois où je descendis ici dans le bas enfer,
cette roche n’était pas encore écroulée.
Mais peu avant, certes, si je discerne bien,
que ne vînt Celui qui arracha à Dité
la grande proie du cercle supérieur,
la profonde vallée fétide trembla de toutes parts,
en sorte que je pensai : l’univers frémit de cet amour,
par lequel, d’après l’opinion de quelques-uns,
le monde plusieurs fois rentra dans le chaos ;
et c’est à ce moment que ces vieux rochers,
ici et ailleurs, firent un tel écroulement.
Mais fixe les yeux dans la vallée,
car voici que s’approche la rivière de sang
dans laquelle bout quiconque par violence nuit à autrui. »
Ô aveugle cupidité, ô folle colère,
qui nous éperonnes si fort pendant notre courte vie,
et plus tard pendant notre vie éternelle nous immerges si cruellement !
je vis une vaste fosse, tordue en arc,
ce qui lui fait embrasser toute la plaine,
comme l’avait expliqué celui qui m’escorte ;
et entre elle et le pied de la falaise,
de Centaures couraient en file, armés de flèches,
comme sur la terre quand ils allaient à la chasse.
En nous voyant descendre, ils s’arrêtèrent tous,
et trois d’entre eux se détachèrent de la bande,
avec leurs arcs et des dards choisis d’avance ;
et l’un d’eux cria de loin :
« Vers quel supplice allez-vous, vous qui descendez la côte ?
Dites-le d’où vous êtes ; sinon je tire de l’arc. »
Mon maître dit :
« Nous répondrons à Chiron, là-bas, de près ;
mal t’en a pris d’avoir toujours eu tant de hâtes dans tes désirs. »
Puis il me toucha et me dit :
« C’est Nessus, qui mourut pour la belle Déjanire,
et qui vengea lui-même sa mort.
Et celui du milieu, qui regarde sa poitrine,
est le grand Chiron, qui éleva Achille ;
et l’autre est Pholus, qui fut si plein de colère.
Autour de la fosse ils courent par milliers,
perçant de leurs flèches toute âme qui émerge de sang
plus que sa faute ne lui permet. »
Nous nous approchâmes de ces bêtes agiles ;
Chiron prit une flèche,
et de la coche il rejeta sa barbe derrière ses mâchoires.
Quand il eut découvert sa grande bouche,
il dit à ses compagnons :
« Avez-vous remarqué que le second fait mouvoir ce qu’il touche ?
Ce n’est pas ainsi que font les pieds des morts. »
Et mon bon guide qui se tenais déjà près de lui,
arrivant au point de sa poitrine où se confondent les deux natures,
répondit : « Il est bien vivant, et ainsi, tout seul,
il faut que je lui montre la vallée de ténèbres ;
nécessité l’y conduit, et non plaisir.
Une dame a interrompu son chant d’Alleluia
pour venir me confier cette mission nouvelle :
il n’est pas un brigand, ni moi l’âme d’un voleur.
Mais par cette vertu
qui m’a fait prendre une route si sauvage,
donne-nous un des tiens, près de qui nous sommes,
pour qu’il nous montre où est le gué,
et qu’il porte mon compagnon sur sa croupe :
ce n’est pas un esprit qui vole les airs. »
Chiron se tourna sur sa droite et dit à Nessus :
« Reviens sur tes pas et guide-les comme il demande,
et fais qu’on s’écarte si une autre troupe vous rencontre. »
Nous partîmes alors avec la fidèle escorte,
le long du bord du bouillonnement rouge
où les bouillis poussaient des cris aigus.
Je vis des gens plongés jusqu’aux yeux,
et le grand Centaure dit :
« Ce sont les tyrans qui s’en prirent au sang et aux biens d’autrui.
Ici se pleurent leurs crimes impitoyable ;
ici est Alexandre et le cruel Denys
qui fit vivre à la Sicile des années de douleur.
Et ce front, aux cheveux si noirs, est Azzolino ;
cet autre, le blond, est Obizzo d’Est, qui en vérité,
là-haut sur la terre,fut assassiné par son bâtard. »
Je me tournai alors vers le poète qui me dit :
« Que celui-ci désormais te guide, je passe au second plan. »
Un peu plus loin le Centaure s’arrêta
devant des gens qui paraissaient sortir jusqu’à la gorge
de ce flot bouillant.
Il nous montra une ombre, seule de son côté, et nous dit :
« Celui-ci perça, dans le giron de Dieu,
le cœur que sur la Tamise on vénère encore. »
Puis je vis des gens qui hors du fleuve
tenaient la tête et encore tout le buste ;
et de ceux-ci j’en reconnus beaucoup.
Ainsi de plus en plus le sang s’abaissait
en sorte qu’il ne cuisait plus que les pieds ;
et ce fut là que nous passâmes la fosse.
« De même, dit le Centaure,
« que tu vois que de ce côté le flot bouillant va toujours en diminuant,
je veux que tu croies
que de cet autre le fond se creuse de plus en plus,
jusqu’à ce qu’il rejoigne le point
où ils convient que les tyrans gémissent.
Par là, la divine justice tourmente Attila
qui fut le fléau de la terre,
et Pyrrhus et Sextus ; et pour l’éternité elle arrache
des larmes, qu’elle fait couler par l’ardeur du bain,
à Rinier da Corneto et Rinier Pazzo,
qui par les grandes routes menèrent tant de combats. »
Puis il se tourna et repassa le gué.

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