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L’enfer, Chant IX, Le messager céleste, Sixième cercle Les hérétiques - Jonathan Abbou Photography

2014 à ... > L’enfer, Chant IX, Le messager céleste, Sixième cercle Les hérétiques

Je posai cette question ; et il répondit :
« il arrive rarement que quelqu’un d’entre nous
fasse ce chemin où je m’engage.
Il est vrai que j’y fut déjà une autre fois,
conjuré par cette cruelle Erichto,
qui rappelait les ombres dans leur corps.
Ma chair n’était que depuis peu dépouillée de moi-même,
quand elle me fit pénétrer dans cette enceinte,
pour en arracher un esprit du cercle de Judas.
C’est le lieu le plus bas, le plus obscur, le plus éloigné
de ce ciel qui enferme toutes choses ;
je connais bien la route, raasure-toi donc.
Ce marais, qui exhale tant d’infection,
entoure de tous côtés la cité dolente,
où nous ne pouvons plus désormais entrer sans violence. »
Il dit encore autre chose, mais je ne m’en souviens plus ;
car mes yeux avaient attiré toute mon attention
vers la haute tour au sommet rougeoyant,
où, tout d’un coup, se dressèrent sur un point
trois Furies infernales couvertes de sang,
qui avaient des membres et un port de femmes ;
elles avaient pour ceinture des hydres d’un vert très vif,
pour chevelure de petits serpents et des cérastes,
dont leur front farouche était entouré.
Et lui, qui reconnut bien les servantes
de la reine des pleurs éternels :
« regarde », me dit-il, « les féroces Érinnyes.
Voilà Mégère, du côté gauche ;
celle qui pleure à droite est Alecto ;
Tisiphone est au milieu » ; et il se tut sur ces mots.
Chacune d’elles de ses ongles se déchirait le sein ;
elles se frappaient des paumes des mains ;
elles hurlaient si fort que, dans ma frayeur, je me serrai contre le poète.
« Vienne Méduse ! et alors nous le pétrifierons »,
disaient-elles toutes en regardant en bas,
« nous avons eu tort de ne pas punir Thésée de son attaque. »
« Retourne-toi et tiens les yeux fermés ;
car si la Gorgone se montre et si tu la voyais,
tu n’aurais moyen de retourner là-haut. »
Ainsi parla mon maître ;
et lui-même me fit me retourner, et il ne se fia pas à mes mains,
mais des siennes encore il me ferma les yeux.
O vous qui avez l’intelligence saine,
considerez la doctrine qui se cache
sous le voile de ces vers mystérieux.
Et déjà venait sur les eaux troubles
le fracas d’un bruit plein d’épouvante
et qui faisait trembler les deux rives ;
il était semblable à celui d’un vent impétueux,
né de chaleurs contraires, qui se déchaîne sur les forêts
et qui, triomphant de tous les obstacles,
casse les branches, les abat et les emporte au loin,
va devant lui, orgueilleux, dans un tourbillon de poussière,
et met les bêtes et les bergers en fuite.
Virgile me découvrit les yeux et me dit :
« Dirige maintenant la vigueur de ton regard
sur ces antiques flots écumants, là où ces vapeurs sont plus âcres. »
Comme les grenouilles devant la couleuvre ennemie
disparaissent toutes sous l’eau
et vont se blottir contre la terre,
ainsi je vis plus de mille âmes épouvantées fuir
devant quelqu’un qui, sans se presser,
passait le Styx à pieds secs.
Il écartait de son visage cet air épais,
d’un geste fréquent de la main gauche ;
et cela seulement paraissait l’incommoder.
Je m’aperçus bien que c’était un messager du ciel
et je me tournai vers mon maître ;
il me fit signe de me taire et de m’incliner devant lui.
Ah ! comme il me paraissait plein de mépris !
Il vint à la porte et l’ouvrit d’un coup de baguette
sans rencontrer aucun obstacle.
« O les bannis du ciel, engeance abjecte »,
commença-t-il sur l’horrible seuil,
« d’où vous vient pareille outrecuidance ?
Pourquoi résistez-vous à cette volonté
qui n’a jamais manqué son but,
et qui, plusieurs fois, a augmenté vos tourments ?
A quoi sert-il de se heurter aux destins ?
Votre Cerbère, s’il s’en souvient bien,
en garde encore le menton et la gorge pelés. »
Puis il s’en retourna par la route fangeuse,
sans nous adresser la parole,
mais il avait l’air d’un homme que d’autres soucis pressent et mordent
que ceux qui s’offrent actuellement à lui ;
et nous nous mîmes en marche vers la cité,
rassurés par ces paroles sacrées.
Nous y entrâmes sans aucune opposition ;
et moi qui avais le vif désir de regarder le sort
de ceux qu’enferme pareille forteresse,
dès que j’y fus entré, je jetai les yeux autour de moi ;
et je vis de toutes parts une grande campagne,
pleine de douleur et de cruels tourments.
De même qu’à Arles, où le Rhône devient stagnant,
de même qu’à Pola, près du Quarnaro
qui limite l’Italie et baigne ses confins,
les tombeaux rendent inégal le sol tout entier,
ainsi faisaient-ils ici de tous côtés,
à cela près qu’ils étaient plus cruels,
car, entre les tombes, des flammes étaient éparses,
qui les embrasaient à tel point
qu’aucun métier n’a besoin de fer plus rouge.
Tous les couvercles étaient levés,
et il en sortait des lamentations si âpres
qu’on sentait bien qu’elles venaient de malheureux torturés.
Je dis : « Maître, qui sont ces gens
ensevelis dans ces sépulcres,
qui se font entendre par ces soupirs de douleurs ? »
Il me répondit : « Ici sont les hérésiaques de toutes sectes,
avec leurs disciples,
et les tombes sont encore beaucoup plus pleines que tu ne le crois.
Le semblable est ici enseveli avec son semblable,
et les sépulcres sont plus ou moins brûlants. »
Et après qu’il eut tourné à main droite,
nous passâmes entre ces tombes de supplice
et les hautes murailles.

Et aussi...